Quand je te vois, il y a ta joie, ta sensibilité et ton expérience du Divin, mais il y a aussi ta souffrance – cette souffrance que je connais bien, caractéristique de ceux qui comme toi vivent une forme de décalage avec la modernité, avec l’altérité.
Qu’est-ce que j’en ai rêvé de venir mettre un bandage sur ton cœur silencieux, de venir partager un petit bout de rêve improvisé dans le bleu de tes yeux ! Seulement voilà : ce serait me donner un pouvoir sur toi que je n’ai pas. Tenter le sauvetage et finir à l’eau – dans ton regard si profond, je pourrais me noyer. Je ne peux qu’offrir ça : ma disponibilité, ma proximité, ma présence – mains tenues. Pas d’attentes, rien à combler : un sourire pour t’accueillir.
Cela fait deux jours que je n’ai pas écrit. Ni à toi, ni aux autres. Il faut dire qu’après le moment de pause que ta présence m’a offert, mon quotidien a repris les couleurs de l’ordinaire. Tu m’as fait rêver à des monastères, à une vie de silences et de prières. Et comme en réaction à cette amorce nouvelle, je me suis jeté corps et âme dans les flammes du faire.
Le hêtre est dans la cheminée, il se consume lentement, divaguant encore, espérant à quitter son foyer de braises. Patiemment, il attend que, dans quelques jours comptés, les vagues viennent le bercer, le transporter par temps crépusculaire.
Quand je dis que je suis amoureux de toi, en fait, je ne dis pas tout à fait ça. « Toi » est un concept qui m’est étranger. Ce dont je suis amoureux, c’est des moments passés avec toi, des réactions déclenchées en moi par ta présence, de l’état dans lequel tu me plonges. C’est de ce que je perçois de toi dans ces moments-là : ton regard bleu vie, tes lèvres souriantes, tes cheveux couleur or, ton silence et ton aura. C’est, enfin, de ce qui passe à travers toi et qu’aucun qualificatif, aucun mot ne saurait désigner.
Ce que j’aime, c’est ça : les instants de grâce qui s’offrent à moi par ta présence. Il n’y a rien d’autre sur lequel je puisse écrire.
« Il faut que je fasse attention à ça : ne pas devenir dépendant à l’amour que je te porte. »
La pulsion qui vient avec le baiser, la sensualité et la sexualité, elle émerge toujours d’un amour séparé, je crois. Je suis séparé de toi donc je veux te toucher, m’unir à toi, combler le fossé qui nous sépare. Si nous ne sommes pas séparés, si nous sommes Un – comme l’amour – alors il n’y a pas besoin de ces retrouvailles-là. Si je suis déjà complet, si je suis déjà relié à toi parce que je suis toi, si « je » et « tu » forment un « ça » de l’expérience vécue comme un tout, alors il n’y a plus besoin d’explorer l’amour par une chanson de gestes et de caresses – le souffle suffit. Le souffle de Dieu, qui passe par un « nous » vaporeux qui ne se pense plus mais qui se vit.
« Love Is », tu disais.
« Je connais peu d’êtres avec la transparence que tu arbores. »
« Ce moment, je ne sais pas trop comment le décrire : des voix d’enfants, un accordéon, des corps dansants, ta présence lointaine et la solitude caressant ma peau nue. »
« Une journée à vide. Je ne dirais pas que c’est une journée de déprime ou de désespoir. C’est juste ça : mes humeurs qui se calquent sur la météo, sur le ciel gris. »
Peut-être que c’est là une projection venant de ma propre vulnérabilité, de ma propre soif d’amour ; mais j’ai le sentiment que ce que nous recherchons tous dans notre rapport au monde, c’est un peu de douceur, un peu de Dieu : la certitude momentanée que nous ne sommes pas seuls, pas abandonnés et qu’il y a un amour, Son amour, qui transcende silencieusement nos existences par sa simple présence.
Vivre vraiment, c’est prêter attention à ce silence.
En fait, la solution, c’est ça : ne plus chercher. Être soi, vrai, vulnérable et donc puissant ; être amour et le ressentir, vivre avec, le respirer ; mais surtout, ne plus chercher. Poser des questions, comme des fenêtres ouvertes sur le monde ; et ne pas chercher de réponses, par peur de refermer ou d’abîmer ces fenêtres-là. Vivre avec ces ouvertures multiples et le souffle qui les traverse. Rien de plus. Une vérité simple.
Un peu de silence. Enfin, je prends soin de moi. À l’horizon, un flot ininterrompu de vagues ; et je me trouve seul, dressé sur un îlot de douceur. À mes côtés, la joie simple de prendre le temps – ce qu’aucun de nous ne s’offre plus, sous la houle et devant les craquements de nos navires déjà si vieux, dépassés : des rafiots de fortune.
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