Tout est si raisonnablement calculé, si savamment orchestré que la magie n’opère plus. « Un monde enténébré par ses lumières », comme le dit si bien Christian Bobin.
On a remplacé les êtres humains par des citoyens, les citoyens par des citadins, les citadins par des utilisateurs, les utilisateurs par des consommateurs – qui sans le savoir sont devenus le produit, le retour sur investissement, l’équilibre bénéfice-coût, la plus-value.
Un monde de consommables, où l’on se console de ne pas être encore tout à fait Dieu, où l’on oublie ses peurs et leurs mystères – à en conjurer la crainte de ce qui se perd quand tout est sous contrôle.
La vie n’est elle-même que par l’absence, le manque et l’inconnu. Le noir, dans ses quantités justes, donne de la profondeur, aide à dessiner les contours. Sans ombres, dans un monde de digits virtuels et de chiffres rassurants, tout se confond, sans repères – et l’essentiel nous échappe, perdu de vue, parti.
Plus de foi – Dieu est mort. Disparu.
Jusqu’à ce que les yeux clos, tournés vers l’intérieur, on aperçoive dans le néant une petite flamme, violet et or, qui vacille tranquillement, qui danse et se balance : le firmament.